dimanche 18 mars 2012

Lettre de Mehdi Khazali à Ahmad Montazeri - 13 février 2012


Au Nom de Dieu, le Miséricordieux,

A mon honorable frère l’Hodjatoleslam Moslemin Ahmad Montazeri :

J’ai bien reçu votre message. Les atrocités que l’on m’inflige ne représentent qu’un centième des atrocités subies par mes compagnons de cellule. Certains parmi eux étaient des prisonniers politiques dans les années 80 qui ont eu la vie sauve lors des exécutions de masse de 1988. Les histoires qu’ils racontent sur la situation des prisons de cette époque me font dresser les cheveux sur la tête.  « Ils m’ont mis dans une cellule d’isolement qui contenait déjà trois lits superposés. Nous étions 30 par cellule, neuf personnes se casaient à chaque étage du lit, le reste dormait dans l’espace étroit laissé sur le sol. Nous ne pouvions même plus étirer nos genoux en allant à la douche (et ils appelaient ça une cellule d’isolement) ». Et que dire des histoires effrayantes sur Hadj Davoud Ahangar (alors gardien-chef de la prison), des cages, des sacs et autres méthodes d’isolement…

Maintenant, je comprends ce qu’il serait advenu de nous s’il n’y avait pas eu les protestations de votre père. Ici, tous les prisonniers prient pour votre père et lui témoignent le plus grand respect. Que ma vie insignifiante fasse prévaloir la justice dans nos tribunaux, qu’elle arrête l’influence de la contre-révolution et des éléments séditieux du ministère du renseignement et des gardes révolutionnaires. Alors peut-être, à l’avenir, on dira « Que Dieu bénisse son âme » pour moi aussi. Peut-être mon martyre mettra fin à l’injustice rampantes des tribunaux révolutionnaires, les procès spectacles de leurs différentes chambres, et les cours d’appel fictives, et peut-être alors ces injustices scandaleuses disparaîtront-elles de notre système judiciaire.

J’en ai personnellement été témoin ; dans les tribunaux révolutionnaires, même les droits de base des accusés ne sont pas respectés. Beaucoup n’ont pas droit à un avocat ; la plupart n’ont pas pu consulter cet avocat avant le procès. Personne n’a le droit de revoir ou de lire son dossier pour préparer sa défense. Les verdicts sont soufflés (pardon, dictés) par le ministère du renseignement, sans aucune preuve, sans aucun aveu, uniquement basés sur les rapports du ministère du renseignement. Ils ne donnent aux accusés aucun acte d’accusation, aucun jugement. Avant de vous remettre le verdict, ils vous font signer une déclaration sous serment disant que vous avez bien reçu le verdict. Ils ne vous laissent même pas voir le jugement énoncé par le tribunal.

Trois de mes camarades de cellule ont été jugés par le juge Pirabbassi lors d’un procès de deux minutes, sans preuves, sans aveux ; ils ont été jugés coupables comme le précisait l’accusation et condamnés à un total de 17 ans de prison. Ils sont en grève de la faim depuis le 3 février. Un autre camarade a été condamné à mort sans aucune preuve ou aveu, uniquement parce qu’il avait reçu un petit email d’un expéditeur inconnu. Hier, une personne condamnée à mort deux fois par le juge Salavati a été relaxée par la cour d’appel et rendue à sa famille. La cérémonie d’au revoir a été l’un des évènements les plus heureux et les plus mémorables que nous ayons connu ici. Ce dossier ne fait que démontrer l’incompétence du juge de première instance.

La semaine dernière, ils ont exilé un jeune homme dans une prison éloignée uniquement parce qu’il refusait de renier l’idéologie des déclarations qu’il avait signées avec d’autres prisonniers. Trois hommes sont emprisonnés uniquement parce qu’ils sont chrétiens, ils n’ont aucune activité politique. Nombre d’autres personnes sont incarcérées uniquement pour leurs croyances religieuses, des croyances qui n’ont rien à voir avoir la politique ou le gouvernement. Ils ont été condamnés à des peines de prison longues. Nous sommes tous privés de nos droits de base de citoyens. Beaucoup sont emprisonnés seulement par mesure de rétorsion pour des désaccords avec des officiels de haut rang. On les presse par des tortures physiques et mentales pour les faire avouer des relations imaginaires avec des agences de renseignement étrangères. On les presse d’avouer des détournements de fonds des agences gouvernementales alors qu’il n’y a pas eu de détournement de fonds depuis les agences qu’ils mentionnent.

Durant les séances de torture, aucun critère religieux ou moral n’est observé. Même quand les prisonniers se réfèrent à des personnages religieux et jurent par eux de leur innocence, ils se moquent d’eux en disant : « Qui sont ces personnes ? ». Et à la fin, les juges présidant les injustes tribunaux révolutionnaires accusent et condamnent à de lourdes peines de prison ; ils détruisent des vies, lors de procès qui ne durent que quelques minutes, tandis que les accusés sont même privés du recours à un avocat.

Voici des exemples des peines et des souffrances qu’on leur inflige. Il existe des choses encore beaucoup plus douloureuses dont il faudrait parler, mais je n’ai pas assez de place dans cette courte lettre pour le faire.

Alors, tout ceci ne justifie-t-il pas que je meure ? N’ont-ils pas retiré l’épine du pied de la juive ? (référence à une histoire à propos de l’imam Ali)

Je comprends maintenant les protestations de feu votre père. Que Dieu bénisse son âme et que Dieu arrache toute cette injustice à la racine.

Si Dieu le veut, Dieu seul nous suffit, Il est notre ami respecté, il est notre meilleur ami, notre meilleur allié.

13 février 2012,
Mehdi Khazali
Prison d’Evine, bloc 350
Source : http://doostaranedrkhazali.blogspot.com/2012/02/blog-post_6378.html

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