samedi 14 avril 2012

Atefeh Sahaleh, pendue à 16 ans


Une équipe documentaire de la télévision a rassemblé les détails du dossier d’une jeune fille de 16 ans exécutée il y a quatre ans en Iran.

Le 15 août 2008, Atefeh Sahaleh a été pendue en public dans la ville iranienne de Neka. Elle avait été condamnée à mort pour « crimes contre la chasteté ». Le journal national l’avait accusée d’adultère et avait dit qu’elle avait 22 ans. Mais elle n’était pas mariée et n’avait que 16 ans.

La Sharia

L’Iran suit directement la Chine pour le nombre d’exécutions capitales en 2004. L’année de la mort d’Atefeh, au moins 159 personnes ont été exécutées suivant la loi islamique du pays basée sur la sharia.  Depuis la révolution, la sharia est la plus haute autorité légale en Iran. Le meurtre, le trafic de drogue, mais aussi les relations sexuelles en dehors du mariage sont des crimes capitaux. L’Iran a signé la Convention Internationale sur les Droits Civiques et Politiques ; il s’est donc engagé à n’exécuter aucun mineur en dessous de 18 ans. Mais les tribunaux religieux ne dépendent pas du parlement. Ils obéissent à leur guide religieux suprême, l’ayatollah Khamenei, et il est virtuellement impossible aux militants des droits humains de les citer à comparaître.

Code de conduite

A l’époque de l’exécution d’Atefeh à Neka, la journaliste Asieh Amini avait entendu dire qu’elle n’avait que 16 ans ; elle commença alors à poser des questions. Asieh explique : « Quand j’ai rencontré la famille, ils m’ont montré une copie de son certificat de naissance et une de son certificat de décès. Les deux montraient qu’elle était née en 1988, ce qui m’a donné de bonnes raisons pour enquêter sur ce dossier. »

Pourquoi une si jeune fille a-t-elle été exécutée ? Et pourquoi a-t-elle été accusée d’adltère alors qu’elle n’était même pas mariée ? Perturbée par la mort de sa mère qu’elle n’avait que quatre ou cinq ans et la dépendance à la drogue de son père éperdu qui s’en est suivie, Atefeh a eu une enfance difficile. Ce sont ses grands-parents âgés qui se sont occupés d’elle mais on dit qu’ils ne lui ont pas apporté d’affection. Dans une ville comme Neka, sous le contrôle total des autorités religieuses, Atefeh, qui se promenait souvent seule, était bien visible. Il n’a pas fallu beaucoup de temps à la « police morale », une filiale des gardes révolutionnaires islamiques chargée d’imposer le code de conduite islamique dans les rues iraniennes, pour la remarquer.

Une relation secrète

Etre interpellé ou arrêté par la police morale est courant pour beaucoup d’adolescents iraniens. Arrêtée auparavant pour avoir assister à une fête et avoir été seule dans une voiture avec un garçon, Atefeh a été condamnée la première fois pour « crimes contre la chasteté » quand elle n’avait que 13 ans. Bien que la nature exacte de son crime nous soit inconnu, elle a passé un peu de temps en prison et a reçu 100 coups de fouet. Quand elle est rentrée chez elle, elle a raconté à ses proches qu’elle n’avait pas eu que des coups de fouet à endurer en prison et elle a décrit les outrages commis par les gardes de la police morale. Peu de temps après sa libération, Atefeh a été impliquée dans une relation mal traitante avec un homme de trois fois son âge. L’ancien garde révolutionnaire Ali Darabi, marié avec des enfants, l’a violée à plusieurs reprises. Elle n’en a rien dit ni à sa famille ni aux autorités. Atefeh s’est vite retrouvée dans une spirale descendante d’arrestations et de maltraitances.

Une pétition locale

Les circonstances qui entourent la quatrième et dernière arrestation d’Atefeh ne sont pas ordinaires. La police morale a dit avoir reçu une pétition émanant des gens du quartier et la décrivant comme une « source d’immoralité » et ayant « une influence désastreuse sur les écolières du quartier. » Mais la pétition ne portait d’autres signatures que celles des gardes qui l’ont arrêtée. Trois jours après son arrestation, Atefeh comparaissait au tribunal et était jugée selon la sharia. Le juge était le puissant Hadji Rezaï, chef de la justice de Neka. Il n’existe pas de minutes du procès d’Atefeh mais on sait que pour la première fois, Atefeh a avoué le secret de sa maltraitance sexuelle par Ali Darabi. Cependant, l’âge du consentement sexuelle pour les filles d’après la sharia, dans les limites du mariage, est de neuf ans et de plus, le viol est très difficile à prouver devant un tribunal iranien. D’après l’avocat iranien en exil Mohammad Hoshi, « la parole des hommes est acceptée beaucoup plus clairement et facilement que celle des femmes ; ils peuvent dire, vous savez, elle m’a encouragé ou elle n’était pas habillée correctement. »

La Cour d’appel

Quand Atefeh a compris que son dossier était sans espoir, elle a hurlé au visage du juge et jeté son voile pour protester. Ce fut un réflexe fatal. Elle a été condamnée à mort par pendaison tandis que Darabi n’a été condamné qu’à 95 coups de fouet. Peu avant son exécution et à l’insu de sa famille, les documents transmis à la cour suprême lui donnaient 22 ans. « Ni le juge ni même son avocat commis d’office n’ont fait quoi que ce soit pour découvrir l’âge réel d’Atefeh » déclare son père. Et un témoin ajoute : « Le juge a juste regardé son corps et comme elle faisait plus que son âge, il a déclaré qu’elle avait 22 ans. » Le juge Hadji Rezaï a apporté lui-même le dossier d’Atefeh à la cour suprême. Et à six heures du matin, c’est lui qui a glissé le nœud coulant autour du cou avant qu’une grue ne la hisse jusqu’à sa mort.

Douleur et mort

Pendant l’élaboration du documentaire sur la mort d’Atefeh, la production a téléphoné au juge Hadji Rezaï pour l’interroger sur le dossier, mais il a refusé de commenter. L’organisation de défense des droits humains Amnesty Internatioal se déclare préoccupée par les exécutions de plus en plus fréquentes sous la présidence de Mahmoud Ahmedinejad, qui défend le retour aux pures valeurs de la révolution. 
La justice n’a jamais admis aucun disfonctionnement dans le dossier d’Atefeh. La douleur de la mort d’Atefeh reste intacte pour son père : « Elle était mon amour, mon cœur, j’aurais fait n’importe quoi pour elle, tout ce que j’aurais pu » dit-il. Il n’a même pas pu lui dire au revoir.

Source : http://news.bbc.co.uk/2/hi/5217424.stm

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