lundi 28 mai 2012

Lettre de protestation du blogger emprisonné Hossein Ronaghi Maleki au guide suprême Khamenei


Salutations respectueuses à son excellence l’ayatollah Seyed Ali Khamenei, guide suprême de la république islamique. 

Ceux qui écoutent la parole et en tirent le meilleur, ceux-là sont des hommes d’entendement.

En raison de votre emploi du temps chargé, je commencerai tout de go par vous rappeler votre discours du nouvel an 2009 : « Je soutiens les actes justes, je dis que nous devrions être justes, regardons les actes ; ceci n’a rien à voir avec les élections, cela concerne ce qui est juste et ce qui ne l’est pas. Soutenir ceux qui servent ce pays est non seulement mon devoir mais aussi le devoir de chacun. Je soutiens et j’applaudis toutes les bonnes actions, tous les bon progrès, ceux qui servent le peuple, ceux qui aident et qui ont de la compassion pour ceux qui sont dans le besoin, ceux qui s’élèvent contre l’injustice et la tyrannie. Je remercie tous ceux qui ont accompli ces actions, que ce soit une personne ou un gouvernement, c’est mon devoir. » Toute personne impartiale ne peut qu’approuver cette déclaration, mais, contrairement à ses lignes directrices, moi Hossein Ronaghi-Maleki, les autres prisonniers politiques et même les dirigeants du Mouvement Vert, Monsieur Mir-Hossein Moussavi, l’hodjatoleslam Mehdi Karroubi et Madame Zahra Rahnavard sommes emprisonnés et nous avons enduré la torture pour avoir recherché la liberté, la justice, pour nous être élevés contre l’oppression et nous être inquiétés du futur de l’Iran. Hélas, personne ne nous a été reconnaissant, nous n’avons connu que l’ingratitude.

Guide suprême de la république islamique, ayatollah Khamenei,

Vous vous souvenez sûrement que l’ayatollah Khomeiny avait souligné en son temps : « Il n’est pas permis à celui qui comprend de ne pas prendre la parole. Quand on comprend, on doit parler, qui que l’on soit, partisan ou dissident. » Votre excellence a pareillement souligné : « Si l’on est conscient et actif, si l’on est témoin de tout signe de fierté mal placée, d’arrogance ou d’égoïsme des dirigeants, on doit manifester avec bienveillance et si l’on se rend compte que le dirigeant n’a pas l’intention d’éliminer ces travers, on doit lui tenir tête et le contester, ce qui finira certainement par redresser ces travers. »

En vérité, la plupart d’entre nous n’a pas dévié de cette ligne et en plus, beaucoup d’entre nous croyaient que ce que nous faisions était supérieur à nos devoirs nationaux, moraux et religieux.
Malheureusement, nous ne pouvons que constater le despotisme, l’illégalité et l’oppression de ceux qui aiment l’Iran et la liberté et de ceux qui se dressent pour leurs droits, de ceux qui ont pris position pour la bonne volonté et ont manifesté contre les conditions injustes en Iran aujourd’hui. 

Votre excellence, ayatollah Khamenei,

Les appareils de sécurité et de renseignement comme le service de renseignement de la Sepah et le ministère du renseignement ont l’impression qu’ils peuvent nous forcer à accepter leurs exigences illégitimes par des menaces, des arrestations et des intrusions dans l’intimité de nos foyers. S’opposant à la religion et à la loi, ces appareils de sécurité ont attaqué des manifestants sans défense les battant impitoyablement, en blessant des centaines, en arrêtant des milliers, en tuant des dizaines ; ils ont arrêté et emprisonné les militants politiques et de la société civile, les critiques et les dissidents. Ils ont imposé une censure manifeste à la presse iranienne. Contrôlant totalement Seda o Sima (radio-télévision nationale) et tous les médias gouvernementaux, ils ont déformé les faits et publié des mensonges éhontés. Ils savent très bien créer des dilemmes psychologiques et mentaux pour les dissidents et les critiques par des tortures diverses et variées, tant et si bien que même le bureau des prisons se plaint maintenant des actions arbitraires de ces appareils sécuritaires.

Guide de la république islamique,

Il nous faut accepter que la justice ne puisse pas être indépendante avec tant d’entités de renseignement et de sécurité. Il nous faut accepter que la société soit au bord de l’explosion et que la paix superficielle actuelle ne soit due qu’à l’oppression, à l’intimidation, aux incarcérations et à la répression. Il nous faut savoir que les idées de ceux qui cherchent la liberté ne peuvent être enchaînées ! On ne peut torturer les idéologies ! La vérité ne peut être réprimée ! Il nous faut accepter que l’affrontement avec le peuple de cette terre devienne de jour en jour plus inhumain et effréné, plus de limites ou de frontières ; on répond à chaque action, à chaque mot critique par la répression et les arrestations. Il nous faut regarder la prison d’Evine et nous souvenir des mots de l’ayatollah Seyed Hassan Tabatabaï Ghomi : « Je sais que les prisons de ce pays sont pleines de prisonniers politiques et pourtant, les arrestations de ceux qui sont épris de liberté continuent. » Il nous faut observer et écouter et, comme l’ayatollah Khomeiny, valider le fait que : « Certains des gardiens de la révolution, dans certains endroits du pays, outrepassent les limites de leurs missions statutaires et interfèrent trop dans les tribunaux et dans d’autres institutions. Il incombe aux chefs des gardiens de la révolution dans tout le pays d’intervenir dans ces actions contraires aux lois et à l’islam pour les faire cesser. » 

Votre excellence, ayatollah Khamenei,

Les évènements de la cité universitaire de Téhéran et du centre de détention de Kahrizak vous avaient perturbé et vous aviez ordonné une enquête ; j’espère que, de la même façon, vous accorderez au moins attention à ma situation affreuse, à celle des prisonniers politiques et de nos familles, aux centres de détention illégaux et à la façon dont ils sont menés. Je proteste contre ces pratiques illégales en commençant une grève de la faim à partir du 26 mai 2012 et j’ajoute que la protection de ma vie est du ressort des fonctionnaires de la république islamique. Cette grève de la faim est une protestation et une plainte :

  • Contre les outrages et les interventions en matière judiciaire de l’unité de renseignement de la Sepah et du ministère du renseignement.
  • Contre la perte d’indépendance de la justice.
  • Pour la restauration de la constitution, des procédures judiciaires, de l’indépendance de la justice
  • Pour la restauration des droits des prisonniers politiques et de leurs familles

Je crois que le silence de tout être humain face à l’oppression et à l’injustice est une trahison du sang innocent des martyrs de cette terre. Je crois que mon sang n’est pas plus noble que le sang des Nedas et des Sohrabs ; je crois que la souffrance de mes parents n’est pas supérieure à la souffrance de leurs parents. Nous savons tous que ces institutions ont exploité la pudeur et la patience des prisonniers politiques.

Cette fois-ci, patiemment, je me prépare à cette action ; peut-être trouverai-je une place aux côtés de feu Hoda Saber qui a perdu la vie en prison. Je citerai le Grand Prophète Mahomet : « Un pays et un gouvernement survivront au blasphème mais pas à l’oppression. »

Je prie votre excellence de croire à l’expression de mes salutations distinguées.

Seyed Hossein Ronaghi Maleki
Bloc 350 de la prison d’Evine, le 26 mai 2012

Source : http://www.kaleme.com/1391/03/06/klm-101893/

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