samedi 12 mai 2012

Une lettre d’Atefeh, épouse de Hassan Assadi Zeidabadi à l’occasion de son 28ème anniversaire.



Je ne sais pas ce qui t’as pris de me demander de chanter pour toi. J’ai appuyé ma tête contre le double vitrage de la salle de visite et, effrayée, j’ai murmuré : « Oh oiseau du matin, chante encore ! Ranime la souffrance qui brûle mon cœur ! »* Une boule dans ma gorge m’a empêché de continuer. J’essayais de retenir mes larmes en silence. Tu me regardais gentiment et mon cœur a chaviré. Je t'ai dit : « Apparemment, notre amour est plus grand que la vitre et les barreaux qui nous séparent. » Tu as approuvé de la tête avec un rire amer.

Hier soir, ta mère m’a raconté l’histoire du choix de ton prénom. Tu es né le jour où le prophète Mahomet a été choisi par Dieu. Ils voulaient t’appeler Mohammad, mais ce même jour, on ramena le corps d’un soldat tombé lors de la guerre Iran-Irak. Il s’appelait Hassan et sa mère, pleurant et gémissant sur le corps déchiré de son fils, a demandé à ta mère de t’appeler Hassan pour que tu portes le nom de son fils tombé.

L’enfant du printemps
Je me souviens de 2009 quand je t’ai vu à ta sortie de deux semaines d’isolement. Ta mère n’avait pas pu venir [elle était malade]. Tu m’as dit : « Dis à ma mère que je suis déterminé à prendre le chemin de la vérité et de la liberté, exactement comme Hassan. » J’ai porté le message à ta mère. Elle a été submergée de larmes, mais je l’ai entendue murmurer « que Dieu te protège et qu’il t’ait en ta sainte garde. » Quelques nuits plus tard, elle a rêvé de la mère du martyr Hassan…

Mon amour
Tel est notre destin : les systèmes judiciaires et sécuritaires ont concentré leurs efforts pour tester les limites de notre patience, de notre tolérance. Ils disent : « Même s’il est condamné à cinq ans de prison, nous ne le relâcherons pas, nous ne lui donnerons pas de liberté conditionnelle. Il n’aura pas plus droit à des visites en personne ou à des appels téléphoniques. » Pourquoi ? Qu’est-ce qui a servi de base à une telle décision, quelle loi iranienne, quelle loi non-écrite de l’humanité et de la conscience ? Ils n’ont pas de réponse. Ils veulent juste tester notre patience.
Mais ce n’est pas important. Plus le test sera difficile, mieux nous réussirons. Il y aura un jour  où Dieu nous jugera tous. Nous attendons ce jour inéluctable.

Cher Hassan,
Depuis presque deux ans, chaque semaine je te rends une visite de 20 minutes, quelquefois cinq minutes de plus. Je pense que la salle de visites de la prison est l’endroit le plus vulnérable du monde de nos rencontres. Et pourtant, chaque semaine, toi, moi et des douzaines comme nous attendent impatiemment d’arriver dans ce lieu vulnérable. Nous touchons la vitre, nous parlons, nous bavardons dans le combiné. La dernière scène c’est ce rideau qui tombe, qui coupe le contact et il ne nous reste qu’à le maudire ! La fin de l’histoire est que nous regardons tandis que ceux que nous aimons sont reconduits dans leurs cellules. Nous avons des milliers de mots tus dans nos cœurs. Voilà notre histoire hebdomadaire. Elle ne vieillit pas, elle ne se change pas en routine et nous ne nous habituons pas. C’est l’histoire de vies enfermées dans le temps et l’espace.

Mon mari,
J’aurais aimé que tu sois là pour te tenir la main et t’offrir une fleur en gage d’estime pour ta bonté et ta camaraderie. Et pourtant, c’est la seconde année consécutive que tu es dans une petite pièce du bloc 350 d’Evine et que je suis dans une maison qui attend que tu reviennes avec impatience. Je me tourne vers le ciel et je prie Dieu que tu restes Vert ** sur la route bénie de la liberté que tu as choisie. D’où je suis, je suis fière de toi, proche de ton foyer et de ta famille.

Joyeux anniversaire !
Ton épouse, Atefeh
27 avril 2012

*Morgh-e Sahar, ou « oiseau de l’aube » est le titre d’une chanson de Bahar, un poète iranien. Le thème de cette chanson est la lutte pour la liberté, contre la tyrannie. 
**Se rapporte au Mouvement Vert.

Source : http://persian2english.com/?p=23812



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