dimanche 1 juillet 2012

Lettre de Nargues Mohammadi au procureur Djafari Dowlatabadi


Au nom de Dieu,

A Monsieur. Abbas Djafari Dowlatabadi, procureur du tribunal révolutionnaire de Téhéran.



Je vous informe par la présente que moi, Nargues Mohammadi, j’ai été arrêtée à mon domicile le 21 avril par les agents du ministère du renseignement alors que j’étais libre sous caution et condamnée à 6 ans de prison. Du 21 avril au 16 mai, j’ai été incarcérée au quartier de haute sécurité 209 d’Evine ; j’ai été transférée une journée au bloc général pendant 24 heures puis de nouveau au 209. Pendant cette période, je vous ai écrit trois fois pour protester contre l’incarcération d’une personne déjà condamnée au bloc 209 et pour demander mon transfert à la section générale des femmes. Lors d’une rencontre avec Monsieur Reshteh-Ahmadi, le 8 mai, je lui ai demandé mon transfert à la section des femmes ; je lui ai également donné une lettre signée de ma main demandant la même chose. J’ai toujours souligné que l’incarcération d’une personne déjà jugée et condamnée au quartier de haute sécurité était illégale et que, conformément à la loi, je devais être transférée à la section générale.

Je n’ai jamais, ni par oral ni par écrit, demandé à être transférée dans une autre ville, et certainement pas à Zandjan. Le 16 mai à 6 heures du matin, des agents m’ont réveillée, m’ont bandé les yeux, menottée et placée dans une voiture. Je ne savais pas ce qui se passait durant ce long voyage, j’ai juste compris que nous avions quitté Téhéran ; j’ai compris que j’étais à Zandjan en arrivant au tribunal.

On a prétendu que Nargues Mohammadi avait personnellement demandé son transfert à Zandjan ; c’est une allégation fabriquée de toutes pièces. On a prétendu qu’en raison de sa maladie, Nargues Mohammadi avait demandé son transfert à Zandjan ; c’est totalement faux.
Je vous informe par la présente des faits suivants :
  • Je proteste fermement contre mon transfert illégal à la section des femmes de Zandjan qui abrite des criminelles et vous demande de faire le nécessaire pour que je sois immédiatement transférée à la section féminine d’Evine qui abrite des détenues non-criminelles.
  • Je suis entrée à la prison d’Evine le 10 juin 2010 en  parfaite santé ; le 10 juillet 2010, j’ai été hospitalisée pour des troubles neurologiques et psychologiques graves. Après des soins intensifs, je suis sortie de l’hôpital, mais j’avalais 18 pilules par jour. Je n’en prends plus que 11, mais depuis ma dernière arrestation, ces médicaments ne contrôlent plus ma maladie qui a empiré. Je suis actuellement emprisonnée parmi 50 meurtrières, condamnées à mort (pour trafic de drogue), condamnées pour outrage aux bonnes mœurs et même des malades mentales. Depuis que j’ai pénétré dans ce bloc, je n’ai ressenti qu’anxiété, nervosité et peur qui ont amplifié ma maladie de jour en jour. Les rapports médicaux et de mes médecins traitants pensent que ma maladie est directement liée au stress et à l’augmentation de mon anxiété. Même s’il en est ainsi, depuis que j’ai pénétré dans ce bloc, j’ai dû faire face à des situations horribles que je n’arrive même pas à décrire. Me laisser dans des conditions aussi anxiogènes équivaut à me faire boire des coupes de poison qui me détruisent petit à petit. Je persiste à proclamer haut et fort que de tels traitements et actions à mon encontre me font mourir à petit feu ; la responsabilité en incombe aux autorités. Les fonctionnaires respectés qui possèdent mes examens médicaux, savent parfaitement que ma détention dans une situation anxiogène, surtout parmi des criminelles, une situation que je ne décrirai pas pour le bien de la société, équivaut à la préméditation d’un meurtre dont les fonctionnaires seront directement responsables. J’espère sincèrement que tout cela n’aboutira pas à mon martyre, comme ce fut le cas pour Haleh Sahebi et Hoda Saber, attribués à la chaleur et à la grève de la faim ! Si un autre incident se produit, même s’il semble dû à des causes naturelles, je proclame, par la présente, que, non seulement il ne sera pas dû à des causes naturelles, mais que l’aggravation de ma maladie ou tout évènement traumatique qui pourrait m’advenir dans ces conditions est totalement délibéré.
  • Ma résidence légale, et beaucoup plus important, mes médecins et spécialistes (neurologue, psychologue, pneumologue, cardiologue et gynécologue) sont tous à Téhéran. Comme je suis sous traitement, ils doivent m’examiner tous les deux mois ; ce sont eux qui ont tous mes examens médicaux et ils me suivent. Mon transfert illégal à Zandjan m’a privé de traitement médical. Les complications et les dommages causés par ce transfert seraient irréversibles ; il s’agirait d’un acte inhumain.
  • Mes enfants de cinq ans, Ali et Kiana, ne résident pas à Zandjan et sont donc obligés de faire un long voyage de plusieurs heures pour rendre visite à leur mère. C’est très difficile pour Madame Rahmani, ma belle-mère, et pour mes jeunes enfants et ce sera peut-être impossible dans la chaleur de l’été et le froid de l’hiver. Et cela met une forte pression psychologique sur une mère emprisonnée.
Votre Honneur, la situation ci-dessus mentionnée plus les problèmes que j’espère pouvoir partager avec votre excellence en personne, reflètent le calvaire d’une mère, votre concitoyenne qui vous écrit en espérant la justice.

J’espère que, le plus tôt possible, on m’accordera les conditions adéquates pour m’envoyer chez mes médecins traitants avant que ma santé ne se détériore plus avant et j’espère que l’on m’accorde la liberté.

Avec mes remerciements anticipés,

Nargues Mohammadi


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