samedi 4 août 2012

Interview exclusive de Mojtaba Vahedi après sa démission – Mohammad-Reza Yazdanpanah – 23 juillet 2012


Lors d’une interview exclusive avec Rooz, Mojtaba Vahedi, ancien porte-parole du dirigeant du Mouvement Vert Mehdi Karroubi, qui est toujours assigné à domicile, a annoncé qu’il cessait d’être le conseiller de Monsieur Karroubi. Il l’a annoncé sur son site personnel dans une lettre où il écrit qu’il croit « au renversement total du régime qui a été créé au nom de la religion » et que, dans la mesure où Karroubi persistait à croire dans la « république islamique telle que définie par l’ayatollah Khomeiny », il avait décidé de mettre fin à leur coopération de 30 ans. Dans cette lettre, Vahedi appelle Karroubi son « grand professeur » et écrit que c’est le bon moment de rejoindre des millions d’Iraniens. Il souhaite également beaucoup de succès à Karroubi dans la continuation de sa voie.

Vahedi est un journaliste réformateur bien connu. Jusqu’à cette lettre, il était le conseiller et le porte-parole de Karroubi. Il a également été le rédacteur en chef du journal Aftab Yazd. Il réside actuellement en Virginie aux Etats-Unis.

Rooz : Avez-vous informé Monsieur Karroubi de votre décision de vous séparer de lui avant l’annonce ?
Mojtaba Vahedi : Non. J’ai parlé à l’un de ses enfants après la publication de la lettre. Je pense qu’intellectuellement, ils y étaient préparés. Il y a deux semaines, j’avais écrit que je pensais à me retirer et beaucoup y ont pensé. Depuis un an et demi que je suis aux Etats-Unis, j’ai dit clairement lors de chaque interview, que j’étais journaliste et analyste politique. Avant février 2011, je n’ai dit nulle part que je parlais en tant que conseiller de Karroubi. Je ne l’ai fait qu’après son assignation à domicile et suite à un message qu’il m’a alors envoyé.

Rooz : Que pense-t-il de votre démission ?
Vahedi : Il a été surpris car je discutais normalement avec lui avant de prendre une décision. Il a paru satisfait quand j’ai présenté mes raisons.

Rooz : A-t-il été d'accord avec votre décision ?
Vahedi: Eh bien, être le conseiller de Monsieur Karroubi s’est une relation entre lui et moi. Je respecte beaucoup l’épouse et les enfants de Monsieur Karroubi et j’accepte leurs points de vue et aussi beaucoup de leurs actions. Mais c’est une affaire totalement personnelle entre Monsieur Karroubi et moi. J’ai pris ma décision et j’ai convaincu les enfants de Monsieur Karroubi que c’était la bonne. D’un autre côté, il n’avait pas du tout le droit de me récuser de la part de son père ou de rejeter ma démission.

Rooz : Et si Monsieur Karroubi vous envoie un message pour refuser votre démission ?
Vahedi : Quand bien même, j’ai pris ma décision de ne plus être son conseiller, ce qui ne m’empêchera pas de le respecter durant le reste de ma vie.

Rooz : Il y a quelques mois, un article a rapporté l’insatisfaction de la famille de Monsieur Karroubi de vous voir agir en tant que son conseiller ; n’avez-vous pas décelé de signes le confirmant ?
Vahedi :

Rooz : Alors pourquoi avoir démissionné ?
Vahedi : Parce que je suis persuadé qu’en démissionnant, je n’aurai plus les mains liées pour faire davantage.

Rooz : Dans votre lettre, vous faites référence à des rapports indiquant que, même si Monsieur Karroubi croit que la république islamique n’est ni islamique ni une république, il croit toujours dans la version présentée par l’ayatollah Khomeiny. Que sont ces rapports ?
Vahedi : Il y a des rapports et aucun commentaire. Dans ses derniers commentaires, Monsieur Karroubi a dit et répété qu’il pensait que le régime actuel n’était ni islamique ni une république mais il croit que la république islamique promise par Monsieur Khomeiny peut sauver le pays. Dans son message à l’occasion des élections au neuvième parlement qu'il a délivré par son épouse en 2011, il a clairement expliqué qu’il n’était plus lié à la constitution votée en 1989 et a ajouté qu’il était temps que l’on retourne à la constitution de 1979. En d’autres termes, Monsieur Karroubi ne voit plus beaucoup d’utilité dans la constitution actuelle. Dans une interview, il a également décrit comment on avait inclus le principe du velayate faghih (direction de l’état par le clergé) dans la constitution et son opposition à cette inclusion. Dans une note publiée il y a un mois par Saham News sur « Quelle sorte de régime désire Monsieur Karroubi et quelle sorte ne veut-il pas », j’ai écrit que, certes, Monsieur Karroubi voulait une république islamique, mais si l’on mettait le régime au vote, le peuple ne voudrait plus d’un tel régime. En d’autres termes, j’ai expliqué la nature de mes différents avec Monsieur Karroubi.

Rooz : Après ces remarques, ne pensez-vous pas que votre démission ne fait que confirmer les critiques qui disent que, depuis un certain temps, vos points de vue sont différents de ceux de Monsieur Karroubi et que donc, vous ne pouvez plus être son porte-parole ?
Vahedi : Je ne m’occupe pas des gens qui se réjouissent de ma démission. S’ils sont heureux de penser qu’elle constitue la preuve de ce qu’ils considéraient comme un mensonge, pas de problème. Je n’y pense pas beaucoup. Je pense plutôt qu’à partir de maintenant, je n’ai plus besoin de penser à coordonner mes commentaires avec Monsieur Karroubi. Si mes commentaires d’avant n’avaient pas été alignés avec les siens, il est direct et ne se gêne avec personne. Le ministère du renseignement lui remet tous mes commentaires. S’il y avait eu des différences dans le passé, on m’aurait envoyé une note à ce sujet par son épouse, ses enfants ou le site de Saham News. S’il doit y avoir des problèmes, ce sera à partir de maintenant, il n’y en a pas eu dans le passé.

Rooz : Pourquoi ? Que doit-il se passer dans le futur ? Dans votre lettre, vous avez prévenu que vous dévoileriez les noms de ceux qui prétendent représenter le peuple. C’est ce à quoi vous faites référence en parlant de problèmes dans le futur, sinon, à quoi faites-vous référence ?
Vahedi : Laissons passer un peu de temps et, tout naturellement, ces amis qui pensent que mes commentaires ne sont pas corrects pourront se défendre.

Rooz : Dans votre lettre vous faites référence à ceux qui mentent au nom du régime et pour lui pendant la campagne des futures élections présidentielles. Qui sont-ils ?
Vahedi : Ce peut être un très grand ou un tout petit groupe. Il faut attendre pour voir qui va y participer. Pour l’instant, il ne s’agit que de spéculations et de quelques indications. En tant qu’ancien, actuel et futur supporter du Mouvement Vert, je crois ce que ce mouvement a clairement affirmé : les dernières élections présidentielles ont été truquées, ce gouvernement n’a pas la confiance du vote du peuple et n’a donc aucune légitimité à organiser des élections libres. Si quelqu’un veut participer aux élections présidentielles à venir et ainsi se séparer du Mouvement Vert, ce n’est pas un problème. Mais s’il veut continuer à faire partie du Mouvement Vert et en même temps être affilié à ce régime, à ses lois et structures électorales, alors c’est une tromperie.

Rooz : Mais beaucoup de ceux qui se voient réformateurs et en ligne avec le Mouvement Vert, croient que les élections présidentielles précédentes ont été truquées, qu’il y a eu fraude, mais ils croient aussi que ces problèmes sont maintenant derrière nous et que l’on devrait se concentrer sur les prochaines élections présidentielles. Que dites-vous d’eux ?
Vahedi : Je dis catégoriquement que si quelqu’un s’avance pour dire qu’il ne croit pas dans les affirmations du Mouvement Vert depuis le début, ce n’est pas un problème. Même s’il dit que le Mouvement Vert ment, qu’il n’y a eu ni fraude ni tricheries dans les dernières élections présidentielles et qu’en conséquence il fait de nouveau confiance au système. Ca non plus, ce n’est pas un problème. Mais si quelqu’un prétend être un supporter du Mouvement Vert, peut-il participer au prochain tour des élections alors que la question clé, le problème originel du Mouvement Vert, celui du trucage des élections, n’a pas été résolu ?

Rooz : Alors vous pensez qu’il y a encore un Mouvement Vert et que voulez bâtir votre futur sur ses problèmes passés ?
Vahedi : Ca dépend de ce que vous entendez par Mouvement Vert. C’était un mouvement protestataire à l’intérieur du pays qui annonçait que le régime n’avait pas la légitimité à tenir des élections. Même réprimé, il n’abandonnera pas. A ce jour, cette affirmation n’a pas été rejetée ou traitée. Bien sûr, la faiblesse du mouvement ne vient pas seulement de la répression. Le double langage de certains de nos amis fait que le peuple est indécis, ne connaissant pas leurs relations avec le mouvement, les élections et le régime.

Rooz : D’après les rapports officiels publiés, à ce jour, les divers courants des principalistes et une partie des réformateurs, principalement d’anciens ministres des cabinets de Khatami, se préparent à participer à la prochaine élection présidentielle. Et au milieu de tous, vous parlez du Mouvement Vert et des prochaines élections présidentielles.
Vahedi : J’accepte que les deux principaux groupes participent aux prochaines élections présidentielles. Mais les deux auxquels je pense ne sont pas ceux que vous citez. Je pense que la compétition principale aura lieu entre les deux factions des principalistes et qu’un groupe de réformistes participera dans l’un de ces deux groupes. Je ne crois pas que les réformateurs participeront indépendamment et séparément aux élections.

Rooz : Mais dès maintenant on mentionne des noms comme ceux de Messieurs Aref et Djahanguiri comme candidats du camp réformateur aux prochaines élections. Ils n’ont pas démenti et ont dit que les réformateurs doivent participer aux élections. On rapporte également que Monsieur Khatami soutient ce point de vue et qu’il aurait dit qu’il voit des signes d’ouverture dans l’atmosphère politique du pays pour les prochaines élections présidentielles. Croyez-vous que des réformateurs indépendants seront candidats ou que ceux qui le seront sous cette étiquette ne seront pas réformateurs ?
Vahedi : Je ne comprends pas comment les gens que vous mentionnez peuvent être réformateurs. Monsieur Khamenei a annoncé le 14 khordad qu’il y avait un mouvement de gauche dans le pays qui a plus tard rejoint les ennemis de l’Islam et de l’imam Hossein. En d’autres termes, du point de vue de Monsieur Khamenei, aucun groupe de gauche n’existe, ce qui est la même chose que le groupe réformateur. Et c’est pourquoi la personne que vous citez a reçu une médaille d’honneur de Monsieur Khamenei qui l’a ensuite placé au conseil de convenance aux côtés de Messieurs Mohseni Ejei et Safar Harandi. Je ne crois pas que Monsieur Khamenei aurait donné une médaille à quelqu'un qui aurait ne serait-ce qu’une goutte de sang réformateur ou qu’il lui aurait donné un poste.
En ce qui concerne les remarques de Monsieur Khatami, ce serait bien qu’il nous explique les signes dont il parle. Il ne diffère pas des autres en matière d’intelligence. Il devrait donner des exemples spécifiques, comme Madame Nargues Mohammadi qui a été transférée à la prison de Zandjan et battue. Ou bien Monsieur Hadj Seyed Djavadi, 96 ans, interdit de sortie du territoire. Ce double langage vise à convaincre le peuple de participer aux élections, de leur faire croire que c’est légitime. Je ne crois pas que le peuple soit à ce point ignorant que si Monsieur Khatami avait  fourni ses preuves, il ne les aurait pas comprises.

Rooz : Une opinion s’est développée après l’assignation à domicile de Messieurs Moussavi et Karroubi : la réforme radicale et le Mouvement Vert qui en est la manifestation, ont échoué et il faut retourner à la réforme du genre de Monsieur Khatami. Ne pensez-vous pas que si ces réformateurs qui affirment que le Mouvement Vert est mort, cette approche d’autres réformateurs est plus réaliste ?
Vahedi : Je pense qu’avant d’aborder ce problème, d’autres doivent être clarifiés. Il y a quelques années, Monsieur Khatami a dit à des journalistes que les pouvoirs du prochain président seraient encore diminués s’il n’était pas candidat. Lors de la même réunion, il a dit que certains voulaient que le président ne soit qu’un simple gardien ou un assistant administratif. Alors, s’il vous plaît, dites-moi ce qui a changé depuis. Avait-il tort ? Ils pensent que nous devons accepter ce qui nous est actuellement imposé. Mais nous avons une vraie expérience derrière nous. Certains ont prétendu que, si un président était audacieux, il aurait plus de pouvoir et visaient Ahmadinejad. Mais les évènements de l’année passée ont montré qu’Ahmadinejad était un simple gardien. En d’autres termes, dans le monde de Monsieur Khamenei et de son régime, il ne veut qu’un groupe de pantins appelés président, président du parlement, etc… Je pense qu’aujourd’hui Monsieur Ahmadinejad est encore moins qu’un gardien dans le système de Monsieur Khamenei.

Rooz : Mais ces réformistes soutiennent que ce modèle de réforme vaut mieux que la situation actuelle.
Vahedi : Je doute que ce soit le processus de Monsieur Khatami qui ait apporté les réformes. Je pense que c’est le besoin de réformes qui a porté Monsieur Khatami à la présidence. Il n’est pas correct de dire que Monsieur Khatami ait créé des réformes dans ce pays. Les demandes de réformes dans ce pays, certaines radicales d’autres non, existaient et ont créé la situation qui a amené Monsieur Khatami. Certains demanderont peut-être ce qui est arrivé à cette situation qui a amené Monsieur Khatami en partant de Monsieur Rafsandjani pour en arriver à Monsieur Ahmadinejad. Je ne crois pas que Monsieur Ahmadinejad est devenu président en dépit des déclarations de Messieurs Khatami et Lari disant que les élections de 2005 étaient les plus saines depuis la révolution de 1979, déclaration faite pour réfuter le point de vue de Monsieur Karroubi sur ces élections. De toutes façons, ce que signifient ces remarques, c’est qu’une société qui voulait Monsieur Khatami a changé au fil des 8 années de mandat de Monsieur Khatami et a soudain opté pour Ahmadinejad. Si le résultat des années de réforme c’est ce changement intervenu dans la société, alors, les réformateurs devraient continuer leur chemin et voter pour les élections de l’année prochaine ! Si c’est cela la réforme, moi et beaucoup d’autres avec moi, ne pouvons pas la soutenir. Si ces messieurs disent que les choses ont changé, ou que ces tactiques réformistes ont produit des résultats, alors ils devraient en présenter les raisons publiquement.

Rooz : Mais je me souviens d’avoir lu un article de vous en 2005 dans lequel vous acceptiez Monsieur Ahmadinejad comme président et que les débats sur le sujet devraient cesser. Il semble que la même perspective que vous rejetez aujourd’hui, vous y croyiez il y a quelques années.
Vahedi : Je ne vois pas le rapport avec notre discussion. Oui j’ai écrit cela, mais beaucoup d’autres l’ont aussi fait. Presque tout le monde le pensait. Mais en 2009, c’était le contraire et Messieurs Moussavi et Karroubi n’ont jamais accepté l’idée que les élections étaient saines et non truquées.

Rooz : J’ai relevé ce point pour montrer que, si c’était logique en 2005, pourquoi ne l’est-ce plus aujourd’hui ?
Vahedi : Comme je l’ai dit, en 2005, presque tous ceux qui avaient initialement contesté les résultats des élections ont fini par les accepter. Mais en 2009, le peuple, les groupes politiques et Messieurs Moussavi et Karroubi ont rejeté les résultats annoncés des élections. Ces deux situations sont complètement différentes.

Rooz: Puisque vous avez annoncé que vous n’étiez plus le porte-parole de Monsieur Karroubi, quel rôle vous réservez-vous dorénavant ?
Vahedi : Je suis un journaliste, un analyste politique qui exprime son opinion sans aucun égard.

Rooz : A quel groupe d’opposition vous sentez-vous affilié, dans ou hors du pays ?
Vahedi: Je n’ai aucun lien organique avec quelque groupe que ce soit hors du pays mais je me sens proche de ceux qui considèrent le régime actuel de Téhéran comme non réformable.

Rooz : Pourquoi annoncer votre démission maintenant. C’est-il passé quelque chose de spécial ?
Vahedi : Oui, comme je l’ai dit plus tôt, ces derniers mois certaines personnes sont devenues actives ; en fait, ils trompent le public. En me dissociant de Monsieur Karroubi, je pense pouvoir mieux révéler leur identité. Comme le genre de tromperie est différent, je pense que nous aussi que nous devons changer nos méthodes.

Source : http://www.roozonline.com/english/news3/newsitem/archive/2012/july/23/article/break-away-from-the-green-movement.html

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