dimanche 26 janvier 2014

Lettre de Hossein Ronaghi expliquant comment le bloggeur Sattar Beheshti est mort en detentions

Au juge Izadi, président de la 1057ème chambre du tribunal de Keyfari

Sujet : Accord pour témoigner dans le dossier se rapportant au meurtre de feu Sattar Beheshti

Monsieur le juge,

Alors que je suis incarcéré, j’ai appris par la presse que l’accusation de meurtre avec préméditation avait été abandonnée dans le dossier du décès du bloggeur Sattar Beheshti. C’est pourquoi, n’ayant pas eu la possibilité d’assister au procès à cause de mon incarcération, je pense qu’il me faut, pour la première fois, témoigner de ce que j’ai vu et de ce que m’a dit la victime alors qu’il était incarcéré au bloc 350 d’Evine peu de temps avant son meurtre. Je le fait avec l’espoir de pouvoir être utile à la manifestation de la vérité. Je déclare donc par la présente être prêt à témoigner devant la cour pour éclairer la justice sur les évènements qui ont eu lieu.

Je n’ai jamais été favorable à la peine de mort et j’ai toujours eu foi dans la réforme et l’application de la loi pour éviter les violations des droits humains par un procès juste.

Monsieur le Juge,

C’est mon devoir moral d’être humain d’aider à la restauration de la justice en éclairant quelques aspects ignorés de ce qui a conduit à la constitution de ce dossier.

J’ai rencontré Sattar Beheshti peu après son transfert au bloc 350 de la prison d’Evine le 31 octobre 2012. Après une courte conversation, j’ai remarqué son état physique très détérioré ; son état physique résultait des interrogatoires des 30 et 31 octobre.

Dans la nuit du 31 octobre, alors que Sattar était au bloc 350, j’ai vu de mes yeux les traces physiques laissées par les tortures qu’on lui avait infligées :
  • Œdème et blessures aux poignets qui indiquaient qu’il avait été pendu au plafond.
  • Gros œdème et meurtrissures au front (sur le côté gauche)
  • Hémorragie de l’œil gauche
  • Nombreuses meurtrissures profondes sur la poitrine, le flanc et l’abdomen causées par des coups de pied et de poing donnés par celui qui l’avait interrogé
  • Douleur aux pieds et boitement quand il essayait de marcher
  • Douleur intense aux testicules
  • Vertige et nausées

Feu Sattar Beheshti m’a fait part de détails choquant sur la conduite de celui qui l’avait interrogé. Mêle si j’avais déjà entendu des relations de torture sévères infligées dans les centres de détention des forces de sécurité, j’ai été surpris : les prétendues activités de Sattar n’auraient pas dû lui valoir ce niveau de brutalité et de violence. Sattar Beheshti m’a dit que pendant qu’il était suspendu au plafond, on le battait méchamment ; il avait peur que ce passage à tabac ne se répète. Sattar m’a dit : « J’étais menotté et quand on m’a laissé tomber par terre, celui qui m’interrogeait m’a mis son pied sur la tête en maudissant ma mère et ma sœur. Une autre fois, on m’a attaché les bras et les jambes à une chaise et on me donnait sans arrêt des coups de pied et des coups de poing. » Sattar m’a dit que celui qui l’interrogeait lui a dit de but en blanc : « Je vais te tuer, tu ne partiras pas d’ici vivant, ta mère ne pourra même pas récupérer ton corps. La seule façon de sortir d’ici vivant, c’est de coopérer et me disant et en écrivant ce que je te dis de faire. »

Sattar Beheshti m’a dit que ses blessures sur le cou venaient de coups de poing, de chocs électriques et de câbles, qu’après avoir reçu des coup à l’estomac et aux testicules, il avait remarqué du sang dans ses urines et qu’il avait des douleurs insoutenables aux testicules. Il m’a dit qu’on l’avait forcé à se déshabiller et qu’on l’avait menacé de violences sexuelles.

Monsieur le juge,

Après que le meurtre de Sattar Beheshti au centre de détention du FATA ait été connu, les autorités impliquées ont répété à plusieurs reprises que l’accusé était en détention à cause du contenu de son blog. Vous serez peut-être intéressé de savoir que d’après Sattar, que ceux qui l’interrogeaient brutalement et illégalement ne voulaient pas lui extorquer des aveux sur le contenu de son blog ou de son compte Facebook. Sattar m’a dit qu’on le torturer pour obtenir son nom et son mot de passe sur Facebook et autres détails du même genre. Il est donc clair qu’on se concentrait lors de son interrogatoire non pas sur ce que Sattar avait écrit sur son blog ou son compte Facebook mais plutôt sur l’accès illégal à ses informations personnelles, ce qui les a poussé à lui infliger deux séances d’interrogatoire sévère et qui a causé sa mort.

Monsieur le juge,

Vous savez que Sattar Beheshti n’est resté en garde à vue que quatre jours, dont un au bloc 350 d’Evine sans être interrogé. C’est à vous désormais de juger : quand une personne est tellement sauvagement torturé en moins de 36 heures, menacé de mort, ce qui en soi constitue un crime, quand on lui dit froidement qu’on a l’intention de le tuer, ce que l’on fera de son cadavre, est-il pensable de parler d’absence de préméditation dans ce meurtre ? Est-ce qu’un « tueur type » n’utilise pas ce niveau de violence, de maltraitance physique et de torture psychologique ? Celui qui l’interroge, qui utilise l’excuse de tenter d’extorquer des aveux et qui est parfaitement conscient de la sévérité de ses coups et de leur impact sur l’accusé, qui abuse de sa position et a recours à des tortures sauvages par tous les moyens à sa disposition et qui ensuite prétend n’avoir pas eu de mauvaises intentions, n’avoir pas commis de meurtre volontairement, a-t-il le droit de se prévaloir de n’avoir pas commis un crime qui n’est que le résultat de ses actes ?

Je répète que je suis prêt à témoigner devant un tribunal de ce que j’ai dit et je demande respectueusement à la justice de s’occuper et de suivre ce dossier.

Je vous prie de croire, Monsieur le juge, à l’expression de mes salutations respectueuses.

Seyed Hossein Ronaghi-Maleki

Source : kaleme http://www.kaleme.com/1392/09/21/klm-167991/

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