samedi 27 décembre 2014

Les femmes continuent la lutte pour leurs droits malgré les obstacles – Mansoureh Shodjaï – 12 décembre 2014

Le 10 décembre 1950, l’assemblée générale de l’ONU a déclaré la journée des droits humains pour attirer l’attention sur la déclaration universelle des droits humains dans le monde entier et en faire la norme pour tous les peuples et les nations.

64 ans plus tard, les violations des droits humains continuent sous différentes formes dans toutes les sociétés humaines, malheureusement. En dépit des efforts des militants des droits humains qui poursuivent les buts de la déclaration, la mise en œuvre des principes de la déclaration n’est toujours pas effective, surtout dans les pays du grand sud.

Cette présentation se concentre sur la lutte des féministes iraniennes contre les violations des droits humains, surtout depuis la révolution islamique de 1979 jusqu’à 2014.

Je vais tenter de montrer comment les Iraniennes ont réussi à prendre position contre les violations des droits humains, même si le problème perdure.

L’émergence du féminisme en Iran date du début du 20ème siècle, l’époque de la révolution constitutionnelle. A cette époque, les femmes demandaient la liberté d’association, d’éducation et de la presse.

Mais en 1906, lorsque le mouvement nationaliste a réussi à instaurer une constitution qui exigeait « l’égalité de tous les citoyens devant la loi », les femmes ne faisaient pas partie de ces « citoyens ». Le tournant pour le mouvement féministe iranien a été leur concentration sur le droit de vote !

Cette demande a finalement été entendue en 1961, quand les femmes ont obtenu le droit de vote et aussi le droit d’être élues au parlement. Elles ont obtenu plus encore par la loi de protection de la famille. Cela a été possible grâce aux luttes historiques des femmes et aussi aux réformes de Mohammad-Reza Shah Pahlavi regroupées sous le nom de « révolution blanche ».

En 1979, durant la période révolutionnaire, lors de la formation du mouvement contre le shah, les femmes ont aussi été une force majeure en faveur du changement. Pour la deuxième fois dans l’histoire des révolutions iraniennes, les femmes n’étaient plus les égales des hommes selon la loi.

Peu de temps après l’instauration de la république islamique, l’ayatollah Khomeiny a demandé l’abrogation de la loi de protection de la famille, ordonné la mise en place de la charia dans tout le pays et édicté un décret demandant aux femmes de s’habiller « correctement ». Dans le même temps, certaines professions ont été interdites aux femmes, dans la justice, par exemple.

Connaissant bien ce que ces lois impliquaient, les femmes se sont mobilisées en masse. Le 8 mars 1979, journée internationale des femmes, des milliers de femmes sont descendues dans la rue, manifestant contre l’obligation du « hidjab » et l’abrogation de la loi de protection de la famille.

Après les années terribles, 1983 à 1988, quand les exécutions de masse et la guerre de huit ans contre l’Irak ont eu lieu, des réformes progressistes ont été mises en place petit à petit. Durant la présidence du réformateur Mohammad Khatami, de 1997 à 2004, les femmes ont pu créer des organisations indépendantes et quelques femmes ont été élues députées.

En 2005, peu de temps après le début de la présidence de Mahmoud Ahmadinejad, des groupes organisés de femmes ont agi contre la discrimination légale basée sur le sexe.

Ces mouvements ont travaillé sur plusieurs sujets : lutte contre la violence, la guerre et la discrimination. Certains ont organisé une campagne contre la lapidation et presque tous se sont unis pour créer la Campagne d'Un Million de Signatures pour l’Egalité. C’est l’évènement historique le plus important qui a donné forme au mouvement féministe iranien.
Pendant la présidence Ahmadinejad (2005-2009), les fondatrices de la Campagne et de jeunes féministes d’autres mouvements ont été arrêtées et emprisonnées.

En raison de ces conditions difficiles, les féministes ont passé les derniers mois de la présidence Ahmadinejad à attendre une occasion pour refaire surface.

Se fiant au pouvoir collectif des femmes actives agissant ensemble, les féministes de ces mouvements ont formé le collectif « Femmes pour les Demandes Civique en Temps d’Election » basé sur des buts et des idéaux communs. Elles ont ensuite rejoint le soulèvement général et le Mouvement Vert en utilisant leur pouvoir et leur pensée.

Ainsi, les différents courants féministes iraniens se sont unis et ont réussi à inciter le Mouvement Vert à se concentrer sur ses demandes de droits civiques et de démocratie.

Cette coalition majeure de plusieurs groupes et des vagues féministes ont participé à l’élection présidentielle de 2009 en portant deux messages clairs : d’abord, que l’Iran adhère à la Convention Internationale pour l’Elimination de toute Forme de Discrimination contre les Felles (CEDAW) et ensuite l’amendement de plusieurs articles discriminatoires de la constitution iranienne.

Le rassemblement de ces demandes sous le slogan « Nous votons pour les demandes des femmes » fut le signe de l’entrée du mouvement dans la sphère politique, même s’il n’a reçu le soutien d’aucun candidat à la présidentielle.

Pendant les grandes manifestations du Mouvement Vert, causées par le trucage de l’élection, la participation significative des féministes a démontré leur engagement dans une lutte unie pour obtenir ce qu’elles demandaient, la démocratie. Les femmes qui étaient descendues dans la rue avec le slogan « Nous votons pour les demandes des femmes » ont continué à manifester avec le slogan « Où est mon vote ? »

Les évènements violents qui ont suivi l’élection présidentielle de 2009 ont empêché les mouvements sociaux de continuer à revendiquer plus de démocratie.

Huit ans de souffrance sous la présidence de Mahmoud Ahmadinejad, les difficultés économiques découlant des sanctions, les violations en masse des droits humains, l’augmentation des violations des droits des femmes, les menaces militaires, l’exil forcé des militants, etc., ont conduit à une attitude modérée de la société civile et des groupes du gouvernement pour l’élection présidentielle en 2013.

Les groupes de femmes ont commencé à être plus actifs politiquement. Une coalition nommée « Hamandish » a vu le jour ; elle incluait des féministes laïques, religieuses progressistes, des femmes ordinaires et même des femmes qui se battaient pour l’égalité tout en étant proches du gouvernement.

Ces groupes revendiquaient surtout plus de droits pour les citoyennes et leur participation au niveau politique. Cet engagement était beaucoup moins radical que le précédent.

Finalement, un candidat modéré, qui avait une attitude politique modérée, tant au niveau international qu’intérieur, envers les droits humains et ceux des femmes a gagné l’élection (Monsieur Rouhani).

Les négociations sur le nucléaire entre l’Iran et l’Occident (2013-2014), leurs effets sur les crises économique et politique d’un côté, l’instabilité de la région, surtout en Irak et en Syrie, l’émergence de Daesh de l’autre, ont diminué l’importance de la participation et du discours politique des militants des droits civiques et des féministes.

Dans cette situation, le nouveau gouvernement a décidé de se concentrer davantage sur la politique étrangère, ce qui veut dire qu’il a oublié les promesses faites sur la protection des droits humains.

Dans le même temps, les violations des droits humains, les discriminations toujours en hausse contre les femmes ainsi que l’instabilité économique ont de nouveau mené la société vers le pessimisme.

Il semble que la présence de quelques femmes en faveur de l’égalité au sein du gouvernement n’ait pas porté ses fruits : les femmes n’ont pas réussi à instaurer une loi sur les droits de la famille et les droits civiques, de nouvelles restrictions se sont fait jour pour les femmes, surtout les célibataires, en matière de travail, la promotion de la stérilisation chirurgicale des hommes comme des femmes a été interdite, la discrimination par le sexe à l’université et sur le lieu de travail a été instituée et la loi a « légalisé » la violence pour assurer le « hidjab obligatoire ».

Par exemple, en octobre 2014, le parlement a voté une loi pour rendre le hidjab obligatoire ; résultat, des femmes qui, selon le régime, n’étaient pas correctement voilées, ont fait l’objet d’attaques de la part de groupes extrémistes violents.

Les féministes ont interprété ces crimes brutaux comme un signe de montée en puissance des groupes intégristes et extrémistes dans la région, surtout liés aux idées de Daesh, à l’intérieur des groupes iraniens extrémistes. Malgré toutes les menaces, les féministes ont organisé une manifestation devant le parlement pour protester contre les attaques à l’acide. Malheureusement, les forces de police ont choisi d’arrêter plusieurs féministes lors de cette manifestation plutôt que les agresseurs qui avaient perpétré ces attaques à l’acide.

En dépit de l’arrestation de ces jeunes militantes comme Mahdieh Golroo, qui est toujours emprisonnée, ces attaques semblent avoir pris fin. Il est à noter que quelques membres du gouvernement ont condamné les attaques.

Malgré de nombreuses restrictions et limitations qui leur sont imposées, les féministes luttent toujours contre la violence en Iran. Elles se battent pour leurs droits, même si elles sont encore loin de l’égalité « écrite » dans la Déclaration Universelle.

Presque 64 ans après la promulgation de la Déclaration Universelle des Droits Humains, la lutte des Iraniennes contre les violations des droits humains ressemble à une coquille de noix sur une mer déchaînée.

Source : http://www.roozonline.com/english/opinion/opinion-article/archive/2014/december/12/article/women-continue-struggle-for-rights-despite-barriers.html

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