lundi 26 janvier 2015

Interview de Nasrine Sotoudeh avec Radio Zamaneh

Radio Zamaneh : Votre libération anticipée était-elle un signe de la détermination du gouvernement à améliorer la situation des droits humains en Iran ?
Nasrine Sotoudeh : On aurait pu l’interpréter ainsi, c’est même ce que j’ai pensé à l’époque. Malheureusement, les libérations de prisonniers ont cessé ; à la place, il y a eu plus d’arrestations et des verdicts plus lourds.
Il faut noter que le domicile de Monsieur Abdolfattah Soltani, qui lui servait de caution, a été confisqué il y a plus de quatre mois. Les autorités lui ont refusé une libération provisoire pour la deuxième fois. Quand je considère tous ces évènements, je suis obligée d’en déduire qu’il n’y a pas de perspective prometteuse pour la libération des autres prisonniers politiques.



RZ : Qu’en est-il de votre autorisation de pratiquer ?
NS : Le conseil de discipline fait partie du Barreau. Quand un avocat est accusé dans n’importe quel tribunal, le procureur en informe le conseil de discipline du Barreau qui le transmet à l’une des chambres du conseil. Mon dossier a été envoyé dans une chambre du conseil de discipline qui s’est opposée à la révocation de mon autorisation. Puis une autre chambre a décidé de suspendre mon autorisation pendant trois ans. Quand un avocat est condamné, le procureur peut en informer le conseil de discipline et demander la suspension de l’autorisation de l’avocat.

RZ : Alors en ce moment, votre autorisation est suspendue ?
NS : Habituellement, lorsque le tribunal énonce son verdict, le procureur le fait suivre au Barreau en demandant la suspension de son autorisation. Dans mon cas, le procureur a envoyé la décision à une chambre du conseil de discipline et sa demande de suspension a été refusée. Puis le tribunal a énoncé son verdict ; il aurait dû être envoyé à la même chambre. C’est ce qui s’est passé, mais il y avait divergence d’opinion entre la première chambre et les membres du Barreau, alors le bureau est intervenu et a envoyé le dossier à la deuxième chambre du conseil de discipline. Ils ont décidé de me condamné à la suspension de mon autorisation pendant trois ans.

RZ : Quelle leçon tirez-vous des réactions provoquées par cette condamnation ? Est-ce qu’elle pourrait devenir la règle ?
NS : En aucune façon. Ce verdict a provoqué une protestation généralisée dans toute la communauté des gens de loi. Il y a eu des tonnes de correspondance entre les avocats, le bureau et la deuxième chambre du conseil de discipline exprimant l’inquiétude suscitée par ce verdict. Il y a tellement de problèmes légaux avec ce verdict qu’aucun des directeurs du bureau n’est prêt à l’endosser. Il n’est donc pas possible que cela se généralise. Une décision prise avec tant de hâte et comportant tant d’irrégularités ne peut pas faire jurisprudence.

RZ : Que pensez-vous de la situation des droits humains en Iran ?
NS : Je pense tout d’abord que l’atmosphère sécuritaire du pays doit changer. Le gouvernement élu doit tout faire pour y mettre fin. Il y a beaucoup d’experts du sujet qui font actuellement partie des prisonniers politiques. Le gouvernement devrait libérer tous les prisonniers politiques et commencer à discuter avec les experts du sujet.

RZ : Pensez-vous que les changements doivent provenir du gouvernement ou de l’institution politique. ?
NS : C’est une bonne question. Durant leur emprisonnement, les prisonniers politiques ont été confrontés à de nombreuses reprises à la situation suivante : ils demandaient des libertés provisoires ou pour raisons médicales et on leur répondait que celui qui les interrogeait devait l’approuver au préalable, et ce, alors que l’enquête était finie, que le procès avait eu lieu, que le verdict avait été énoncé et que ces personnes purgeaient leurs peines. Quand le gouvernement de Monsieur Rouhani est arrivé au pouvoir, vues les déclarations du ministre du renseignement avant le vote de confiance du parlement, il est apparu que le ministère du renseignement aurait une attitude plus sage, mettrait fin à l’approche sécuritaire, et traiterait les demandes du peuple plus rationnellement. Actuellement, on dit que la justice demande toujours l’avis du ministère du renseignement avant de se prononcer, ce qui érode complètement le pouvoir de la justice. Nous espérons que la justice mettra fin à sa dépendance totale vis-à-vis du ministère du renseignement et commence à prendre des décisions basées sur les documents et les preuves présentés au tribunal.

Source : http://archive.radiozamaneh.com/english/content/lawyer-nasrin-sotoudeh-state-human-rights-iran

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